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Some of them, want to abuse you.

« C’était un Mercredi et elle n’avait rien à faire là.

Elle était dans la pièce adjacente. Tout était en place et elle ne voulait pas en perdre une miette. Seule une petite porte la séparait de sa proie qui n’était qu’à quelques mètres. Elle était fière d’avoir embrouillé son monde pour se retrouver là. Cela la confortait dans sa conviction d’être intelligente, peut-être même la plus intelligente de cette belle ville. Ses deux compères, ceux avec lesquels elle ricanait il y a encore quelques minutes, étaient, eux, restés à l’écart.

Elle n’aimait pas partager le pouvoir, bien que ce monopole commençât à la fatiguer. Cela faisait déjà cinq jours qu’elle alternait micro siestes et tours de garde, peuchère. Il fallait, en plus, justifier à son mari toutes ces nuits passées dans l’établissement d’un autre homme avec lequel elle pouvait assouvir ses pulsions. D’ailleurs, à ce propos, sachez qu’il n’est pas toujours bon d’avoir des oreilles affûtées par des années de travail quotidien (ndlr).

Tout était en place donc. Son entreprise de destruction était sur le point de l’achever avec succès, lui, lui qu’il fallait battre tant qu’il était faible, comme on bat le fer tant qu’il est chaud. Et c’était dans ce but qu’elle menait depuis peu, et rondement, on ne se refait pas, son bateau ivre de sang. Même pas une goute sur elle. C’était les autres qui ramaient. Ses qualités de menteuse étaient telles qu’elle avait réussi à faire de sa victime la dernière des ordures, de sorte que le sale boulot serait forcément effectué par quelqu’un d’autre, quelqu’un qui aurait avalé ses salades.

La plupart des gens ont une propension assez extraordinaire à gober toutes les conneries possibles et inimaginables, et cela fonctionne d’autant plus lorsque ces conneries sont d’une puanteur intenable. Elle aurait fait une excellente journaliste. Lui, il était musicien. Donc forcément camé. Il était aussi forcément homosexuel (ces sales pédés) et donc, toujours forcément, séropositif. Et il s’en prenait à des plus jeunes aussi, tant qu’à faire. Ce dernier point, c’était sa trouvaille à elle. Elle se disait que, pour une fois, en s’occupant de lui, il y a bien un de ces sales arabes qui servirait à quelque chose. Plus c’est gros et mieux ça passe. Ça aussi, elle en savait quelque chose.

Elle était d’ailleurs plutôt satisfaite de la prestation qu’avait réalisée cette jeune fille, la veille, histoire de bien enfoncer le clou, même si la pauvre gamine avait manqué de s’évanouir avant de faire quoique ce soit. C’est vrai qu’il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir soutenir un tel degré de saloperie concentrée dans un même endroit. Mais elle, elle le tolérait très bien. Question d’habitude.

Pour l’aider dans sa tâche, elle avait à sa disposition d’autres petites mains qu’elle avait tirées de leur petite existence minable. La sienne ne l’était pas. Et c’est vrai que ces petites mimines étaient avides de sensations fortes. La plupart d’entre elles acceptaient même de faire le tapin pour trois fois rien : quelques promesses suffisaient, quand bien-même elles seraient intenables. Et pour les plus goulues d’entre elles, elle avait de l’argent, beaucoup d’argent. Un pognon (de dingue) qui provenait d’une caisse qui ne lui appartenait pas, mais dont le propriétaire, au nom duquel elle déclarait systématiquement agir, était plein aux as. Il était donc nécessairement au courant. Alors, pourquoi se priver. Avoir la possibilité de faire ce que l’on veut à qui on veut, avec en prime un crédit illimité ; vous auriez refusé, vous ?

Ensuite, il suffisait de rameuter quiconque le voulait bien afin qu’il, ou qu’elle, ingère allègrement les excréments qu’elle lui balançait, pour ensuite diffuser à son tour les déjections qui en résultaient, le plus largement possible.

En cas d’échec, il suffirait de tout nier en bloc. Elle pourrait alors compter sur ses camarades de fortune qui la soutiendraient, du fait d’avoir eux-mêmes mis plus ou moins allègrement les paluches dans ce pot de confiture, alors si appétissant. Mais dans la mesure où, elle le savait, «voleurs» et «code d’honneur» ne vont pas toujours ensemble, il valait mieux en finir au plus vite afin d’éviter cette option. Il était effectivement beaucoup moins certain que tous ces violons resteraient bien accordés au gré des changements saisons qui se produiraient, inéluctablement.

Car ainsi va le Monde. »

Maintenant, vous pouvez vomir, Mai 2017.

Avant, on remplissait des trains. Mais ça, c’était avant.

Il a le Wifi, il a tout compris.

« Il était vissé sur cette chaise depuis des heures déjà. Il commençait à sentir très sérieusement suinter la sueur sous ses fesses, et la lampe de bureau braquée sur lui balançait une lumière aveuglante droit dans ses yeux. Il distinguait tout de même, tant bien que mal, les deux silhouettes noires qui se détachaient de ce halo. Mais ce n’était pas comme dans un rêve. C’était plutôt comme si Jean-Dieu et son pote Jean-Belzebuth étaient venus le voir, afin de savoir par quelle entrée ils allaient lui faire ravaler toutes les saloperies qu’il avait propagées.

— Alors maintenant que gros-malin nous a dit comment, il va nous dire pour qui et pourquoi, s’il ne veut pas qu’on l’envoie là où il apprendra le véritable sens profond du combo intrusion-diffusion sans consentement. 

Jean-Blagueur comprit qu’on ne blaguait plus. La grosse timbrée lui avait pourtant assuré que tout se passerait bien pour lui.

Mais la grosse timbrée n’était plus là.»

En Mai, fais ce qu’il te plaît…mais pas trop quand même, 2017.

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La Gloire de ma Mère.

C’était une fin d’après-midi d’hiver. Il se terminait dans un mois et il faisait déjà un peu moins froid. Depuis les toits, on apercevait des avions qui jouaient au Morpion sous son œil bienveillant. Tout n’était peut-être pas à jeter, en fin de compte.

Philippe, Février 2019.

Qui vivra verra, et vice-versa.

« Il y avait pourtant été habitué assez jeune.

Il n’avait jamais été grand de taille et ne le serait jamais. Sa maman, comme son père biologique, ne l’était pas, et il était arrivé en classe de sixième avec un an d’avance.

Dans la cour de récréation, chaque classe de chaque niveau avait sa place tracée au sol, un peu comme ces places de parking que l’on peut trouver aux abords des grandes surfaces, à la différence que celles-ci étaient assez allongées pour accueillir une trentaine d’élèves et que ces bambins n’allaient pas faire du shopping. Pas encore.

Lorsque la sonnerie indiquait la fin de la récréation, l’usage voulait que chacun regagnât sa file attitrée, dans laquelle il avait laissé son sac le temps de la pause, en rangs de deux, et ce afin de permettre au professeur de faire un premier appel « de visu » avant d’emmener ses élèves sur la voie de la connaissance. Pour lui, ce chemin commençait bien avant que la cloche ne retentisse, et ses pavés étaient loin d’être tous bien intentionnés. C’est peut-être ça, le Paradis, se disait-il.

Il avait fini par se faire aux ricanements à peine masqués qui se déclenchaient alors qu’il passait près d’un banc, accompagné des quelques amis qu’il avait ; ceux qui n’avaient pas peur de se faire mal voir en sa compagnie. Ces gloussements étaient parfois agrémentés de commentaires lancés suffisamment fort pour qu’il les reçoive le mieux possible, et suffisamment bas afin que les surveillants ne les perçoivent pas.

Il aurait été en effet dommage que Dr. Maman et Me Papa fussent reçus dans le bureau du principal car leur chère progéniture, bien que si prometteuse par définition, n’aurait pas intégré le principe pourtant aussi indispensable qu’il est la condition de toute vie en société : le respect de l’autre. Une notion primordiale donc. C’est en tout cas comme cela qu’elle était présentée.

Il revit ce jour où un « grand » de troisième (avec le recul peut-être en partant du bas) était un jour venu près de lui en tenant dans sa main un lacet de ces chaussures de skateboard alors à la mode. Il l’avait placé à quelques centimètres devant ses yeux, et à la manière de ce croque-mort dans Lucky Luke, s’était amusé à le mesurer avec. Il s’était ensuite adressé à ses amis : — Regardez ! Il est plus petit qu’un lacet d’éS ! Et ses amis avaient ri aux larmes.

Ses larmes à lui, il les gardait pour le soir dans sa chambre, avec pour veilleuse la petite lumière verte de l’écran de son poste radio qui éclairait les minutes et les heures qui filaient déjà. Malgré tout, il avait toujours su garder « suffisamment de musique dans son coeur pour faire danser sa vie ».

En attendant, il se tenait là, au milieu des cartables en vrac et de certains de leurs propriétaires, spectateur lui aussi même si malgré lui, incapable de réagir. Il n’y avait plus de musique. Il paraît que, bien que formés et habitués à la violence même la plus extrême, certains soldats, pompiers, policiers, … éprouvent parfois ce sentiment de tétanie face à l’horreur humaine qu’ils ne côtoient que bien trop. Lui n’y était pas entrainé. Pas complètement encore.

Mais cette fois-ci c’était différent, ceux-là au moins savaient compter jusqu’à trois. Et il allait voir ce qu’il allait voir… »

Philippe, En Mai, fais ce qu’il te plaît, 2017.

Nationaux-Salopards.